mercredi 21 octobre 2020

DR claude jean paris vous propose  prendre connaissance

Enfants au comportement tyrannique: pourquoi il est important de consulter un psychiatre

Les enfants violents, qui font vivre l’enfer à leurs parents, ne sont pas les produits d’une éducation ratée.

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Cet article est la suite de: «Parents maltraités par leurs enfants: comment sortir la tête de l’eau»


Joséphine (1), 37 ans, arbore des lunettes de mouche immenses qui mettent en évidence un regard épuisé. Ce 3 septembre, elle et son mari, Émiliano, participent à leur dixième et dernière réunion consacrée aux «enfants à comportements tyranniques» organisée par le CHU de Montpellier. Quelques mois plus tôt, ce couple s’est résolu à frapper à la porte de ce service, à bout de forces et à court d’idées, épuisés de vivre sous le règne d’un tyran: Isaac, 7 ans, leur fils.

7 ans: ce n’est pas un âge qu’on s’attend à voir représenté dans ce genre de réunions où les parents confessent à voix haute les insultes, les humiliations voire les coups infligés par la chair de leur chair. Pour Joséphine et Émiliano, l’intégration dans ces réunions et la rencontre avec le pédopsychiatre Nathalie Franc, qui les anime, fut un soulagement. Au sujet d’Isaac, le docteur a évoqué la possibilité de «troubles psychiatriques». Plutôt que de leur demander: «Vous lui posez des limites à cet enfant?», «Vous savez lui dire non?» «Vous êtes bien sûrs de l’avoir habitué à la frustration?»

Joséphine et Émiliano en ont soupé de ces questions. Parce qu’ils refusent d’assumer leurs responsabilités? Plutôt parce qu’ils les savent limitées: Isaac les a malmenés avant même de naître. «Ça peut paraître dingue mais ça a commencé dans le ventre, explique Joséphine. Il bougeait la nuit, le jour. À la naissance, il devait être en écharpe debout. Il refusait la position allongée. Il se réveillait toutes les 1h30.»

« Il me crachait dessus. Me disait “Tu vois, tu t’es trompée” quand je faisais une erreur.

- Joséphine, 37 ans.

Plus il a grandi, plus il est devenu étranger à ses propres parents. Merveilleux en partie: à l’âge de 16 mois, il savait «parler correctement», distinguer sa droite de sa gauche. Effroyable aussi: à l’âge de 2 ans, il appelait sa mère et son père par leurs prénoms, repoussait leurs câlins, levait les yeux au ciel s’ils avaient l’hardiesse de s’adresser à lui. Eux sévissaient autant que possible. Sa première tape, Isaac la reçut à 1 an ½ - il avait donné un coup de pied à sa mère. Celle-ci d’ailleurs n’existait pas à ses yeux.

Quand il eut 5 ans, elle commença seulement «à faire partie de sa vie». Mais pas pour le meilleur: «Il me crachait dessus. Me disait “Tu vois, tu t’es trompée” quand je faisais une erreur. Ou bien “Tu parles mal à papa” quand je m’adressais à mon mari.» Il faut se montrer plus dur, intimait l’entourage. Alors Joséphine commença à donner des fessées qui lui faisaient «mal à la main». Jusqu’à cette fois où Isaac répliqua. «On était dans sa chambre, il avait été odieux et je lui avais donné une fessée, j’en donnais de plus en plus... rougit Joséphine.Très calmement, il m’en a remis une. Alors j’ai frappé plus fort. Il m’a frappé de nouveau. Je l’ai regardé, j’ai hésité, je l’ai encore frappé.» Avant de s’arrêter net, prise d’horreur: ce n’est pas la mère qu’elle voulait être.

Aucun spécialiste ne parvenait à les aider. Les médecins n’avaient pas d’avis sur la question. Les psychiatres parlaient de «poser des limites». Un de ceux à la porte duquel Joséphine et Émiliano frappèrent refusa même d’apposer un diagnostic «pour ne pas alimenter l’égo de l’enfant.»

Quand il n’y a pas de diagnostic psychiatrique, l’affaire se corse.

Puis il y eut ce jour inoubliable. Joséphine était enceinte de sa fille quand Isaac lui dit d’une voix claire: «Si je veux, je pourrais la tuer.» Joséphine le raisonna: «Ça nous arrive à tous de détester quelqu’un. En revanche on ne dit pas des choses pareilles.» Sa sérénité était jouée, elle était morte de peur. Inquiète pour elle, la sage-femme qui la suivait adressa le couple au CHU de Montpellier. Où il se sentit entendu et compris pour la première fois: «On s’est rendu compte qu’on n’était pas seuls. Que les autres parents confrontés à ce problème étaient normaux...» Là-bas on leur a dit que leur éducation n’était pas à blâmer, que le comportement d’Isaac relevait d’un trouble psychiatrique. Mais quoi?

Si ce n’est pas l’éducation, quelle est la cause de tout ceci?

Benjamin Sadoun est pédopsychiatre à Paris. Depuis qu’il s’est installé en libéral en novembre 2016, il a vu défiler de très nombreux parents confrontés comme Joséphine et Émiliano à un «enfant tyrannique». Ce terme ne voulant rien dire en soi - il permet juste de caractériser des comportements semblables -, le médecin se voit soumettre des situations qui relèvent de la psychiatrie, d’autres de l’éducation, d’autres de leur mélange. Les premières sont les plus faciles à régler. «Si l’enfant a un trouble psychiatrique (TDH, autisme, dépression...), on peut donner un médicament, obtenir une reconnaissance de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et donc une allocation qui permet aux parents de soutenir les frais liés à sa prise en charge. C’est plus facile aussi pour eux, ils comprennent qu’ils ne sont pas à blâmer.» Quand il n’y a pas de diagnostic psychiatrique, l’affaire se corse. Car dès lors une croyance surgit: si ce n’est pas une maladie, c’est la faute des parents. Or ce serait plus compliqué.

Pour se faire comprendre, le docteur Sadoun s’éclaircit la gorge: «Ce n’est pas soit un problème de psychiatrie soit un problème d’éducation. D’abord parce qu’il est très difficile de fixer le curseur en psychiatrie: comment déterminer si un enfant est normal ou non?» Entre le Normal et le Pathologique, la limite est ténue. Un enfant qui dort très peu, angoisse beaucoup, supporte mal la frustration, réfléchit même en dormant et s’emporte excessivement peut être considéré comme normal par un psychiatre, anormal par un autre. Cet enfant-là, plus sensible, plus angoissé, peut très mal réagir à une éducation qui aura produit d’excellents effets sur ses frères et sœurs. Aussi le docteur Sadoun préfère-t-il s’abstenir d’incriminer l’éducation. Même la positive (ou bienveillante) qui «pratiquée à l’excès entraîne une superpuissance chez l’enfant» mais qui, «fonctionne à merveille avec 99,9% d’entre eux.» Lui choisit de ne blâmer personne d’emblée et d’examiner chaque cas à la loupe. Ici, une surprotection des parents a aggravé une angoisse congénitale. Ici, l’enfant souffre d’une incapacité à gérer ses émotions, dûe un événement mal digéré ou à un trouble cognitif... Là, l’éducation est défaillante: les parents ont perdu la main. Pour chaque cas, le docteur repère une cause. Et après quatre années d’étude de ces cas, il n’arrive pas à en distinguer une générale qui permettrait de dire «voilà pourquoi un enfant se transforme en tyran.»

Chez Joséphine et Émiliano, la cadette, désormais âgée d’un an ½, n’a rien de son grand frère. «Elle a toujours la pêche et le sourire. Elle tolère assez bien la frustration», se réjouit Joséphine qui attend une reconnaissance MDPH pour Isaac. L’obtenir lui permettrait de croire à cette phrase qu’elle répète comme un mantra: «Nous ne sommes pas de mauvais parents qui n’avons pas su éduquer notre enfant.» Les conseils reçus au CHU de Montpellier leur ont permis «de prendre du recul», de mieux réagir aux crises d’Isaac, pas de les faire cesser, ni d’en atténuer l’intensité.

(1) Les prénoms ont été modifiés à la demande des concernés.

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